Créateurs de différence #43 : OHNE

« Sans emballage, naturellement » est à la fois le slogan illustrant la philosophie de l’enseigne OHNE et le credo de six passionnés partageant les mêmes valeurs en matière de développement durable et de responsabilité environnementale. Ils se sont donné pour mission de faire prendre conscience à tout un chacun qu’il est parfaitement possible de consommer en réduisant au minimum les emballages, voire en les supprimant. Via leurs magasins « zéro déchet » situés dans diverses villes de Flandre, ils souhaitent inciter leurs clients  y compris les collaborateurs de Luminus – à consommer de manière responsable. Cela mérite incontestablement un entretien avec Alexia Coppens et Kristien Lindemans.

Dites-nous tout. Comment l’aventure d’OHNE a-t-elle débuté ?  

Alexia : « Grâce à un article de journal (rires). Il y a six ans, le concept de magasin sans emballage était très peu répandu. Je l’ai découvert en lisant le journal et j’ai été immédiatement conquise. Et j’étais loin d’être la seule. À Gand, nous étions six à partager les mêmes idées et à estimer qu’un magasin sans emballage serait le bienvenu en ville. Après mûre réflexion, nous avons mis en commun nos économies, ce qui nous a permis d’ouvrir un premier magasin OHNE à Gand. Aujourd’hui, nous en sommes à six. Chaque magasin est dirigé par un gérant indépendant totalement en phase avec nos valeurs. OHNE est donc une coopérative dans laquelle la stratégie et les orientations sont définies de manière collégiale. »

OHNE, c’est quoi exactement ? 

Kristien : « En soi, la dénomination est plus qu’explicite. OHNE est un mot allemand signifiant sans. Ou, traduit librement : non emballésans emballage. Le slogan Sans emballage, naturellement n’a pas été choisi au hasard. Cependant, si l’on considère le concept dans sa globalité, le mot-clé est résolument durabilité. OHNE est un magasin sans emballage privilégiant les produits locaux, bio et issus du commerce équitable. Force est de constater que le terme durabilité inquiète de nombreux consommateurs, ce qui vous oblige d’emblée à être le meilleur. Mais le simple fait de savoir quoi acheter vous permet de faire la différence. Aussi nous paraît-il important d’apporter une réponse à toutes les questions que se posent nos clients. D’où proviennent mes flocons d’avoine ? Le gel douche que j’ai choisi est-il le plus écologique ? De quoi ai-je réellement besoin ? »

Alexia : « Nous ne prétendons pas connaître l’historique de chaque produit, mais nous y travaillons. » 

Quels produits trouve-t-on dans votre magasin ? 

Kristien : « Tout hormis les chips ! (rires) Ceux-ci sont trop difficiles à vendre en vrac car ils ont tendance à ramollir rapidement. Et il existe encore quelques produits de ce type. L’idée de base est de proposer aux consommateurs un point de vente unique dans lequel ils peuvent trouver tous les produits du quotidien. Les magasins OHNE sont dotés de distributeurs ou silos permettant aux clients de s’approvisionner en riz, pâtes, céréales, fruits, légumes, produits d’entretien et d’hygiène, etc., tout en évitant le gaspillage. Contrairement à un supermarché traditionnel, les magasins OHNE ne proposent pas vingt sortes de shampooings ou quarante couleurs de gourdes. Notre approche sélective est très appréciée de nos clients car trop de choix tue l’achat. »

Alexia : « Tout est question de compromis. C’est ainsi que nous privilégions les fruits et légumes de saison. Par conséquent, vous ne trouverez chez nous ni oranges ni tomates tout au long de l’année. Nos produits proviennent principalement de Belgique, éventuellement d’Europe et exceptionnellement de régions situées hors d’Europe. Pas question donc que nous vendions des oranges en été car nous devrions les importer d’Afrique du Sud. »

Que doivent prévoir les clients pour faire leurs emplettes chez OHNE ? 

Kristien : « La seule chose que nous leur demandons est de faire preuve d’ouverture d’esprit. Cela peut paraître sentencieux, mais c’est la réalité. (rires) Nos clients ont la possibilité d’amener leurs propres contenants qui ne doivent pas forcément venir de chez OHNE. Pour faire leur marché, la plupart utilisent d’ailleurs des boîtes de la marque de glace “IJsboerke”. Au début, on tâtonne un peu : on oublie ses contenants ou un sticker avec le poids. Mais c’est sans importance. Après la troisième visite, le pli est pris et tout rentre dans l’ordre. »

Il n’est pas toujours aisé de faire ses achats en n’utilisant aucun emballage. Quelle solution préconisez-vous ? 

Kristien : « Chaque jour, au moins un client se présente sans récipient. Est-ce une raison pour l’empêcher de faire ses courses ? Absolument pas ! Il est possible d’acheter des bocaux et des sacs sur place. Qui plus est, nous disposons dans le magasin de boîtes de dépannage. Enfin, vous pouvez toujours compter sur les autres clients pour vous dépanner. »

Alexia : « Faire ses achats sans emballage requiert un minimum de préparation. Nous sommes l’opposé d’un commerce de commodité. Afin de compenser cette différence, nous testons actuellement à Gand une boutique en ligne : un coursier à vélo vous livre vos commandes dans des bocaux consignés que vous rendrez vides lors de la prochaine livraison. » 

Pourquoi est-il si important de réduire ses déchets d’emballages ? Quel est l’impact des emballages sur l’environnement ? 

Les emballages constituent 6 % de votre empreinte écologique, ce qui peut paraître relativement négligeable.

Kristien : En réalité, le problème majeur est l’insuffisance du recyclage. En matière de tri, la Belgique arrive largement en tête. Cependant, personne ne sait ce qui est effectivement recyclé et réutilisé. Aujourd’hui, extraire du pétrole et fabriquer du plastique coûte moins cher que recycler de vieux emballages. D’où notre philosophie : moins on utilise d’emballages, moins on prélève de matières premières. Attention : dans certains cas, les emballages sont cependant nécessaires. Par exemple lorsque l’on souffre d’allergies ou pour garantir la fraîcheur des produits. Sauf qu’actuellement, on assiste à une frénésie de suremballage. Dans les supermarchés, on trouve notamment des bananes sans peau emballées sous plastique ! ».

Avez-vous déjà constaté un changement de mentalité chez les consommateurs ? Et certains se montrent-ils encore méfiants vis-à-vis des magasins sans emballage ?   

Alexia : « Absolument ! Il y a six ans, la clientèle était plutôt clairsemée. Cependant, plus la crise climatique prend de l’ampleur et plus les médias en parlent, plus les clients sont nombreux. Les choses vont donc dans le bon sens mais il subsiste encore une importante marge de progression. »

Quels sont vos projets pour les années à venir ? 

Alexia : « Notre principal objectif est de rendre le concept plus accessible. Or, accessibilité rime avec proximité. Nous espérons donc être en mesure d’ouvrir plus de magasins OHNE. C’est pourquoi nous recherchons en permanence des indépendants motivés en parfaite harmonie avec notre philosophie. D’autre part, nous souhaitons consolider notre présence en ligne et éprouver les systèmes de retours, notamment en matière de bouteilles de bière consignées. Bref : ne pas nous endormir sur nos lauriers et continuer à innover. »

Un magasin sans emballage s’inscrit parfaitement dans l’optique d’un mode de vie durable et responsable. Mettez-vous ces principes en pratique dans votre vie de tous les jours ?

Kristien : « Cela va de soi ! J’ai renoncé à la voiture depuis plusieurs années. Je n’achète pratiquement plus de vêtements neufs et j’ai récemment décidé de ne plus prendre l’avion. Est-ce à dire que je n’effectuerai plus jamais de longs voyages ? Pas forcément. Dans quelques années, peut-être prendrai-je à nouveau l’avion. Je pense que je l’aurai bien mérité. (rires) Enfin, si les finances le permettent, pourquoi ne pas envisager l’installation d’une pompe à chaleur ? ».

Alexia : « Quel que soit le domaine, il n’y a pas de petites économies. Exemple : pour chauffer de l’eau, je veille à ne pas remplir la bouilloire ou la casserole plus que nécessaire. Des valeurs que j’essaie d’ores et déjà de transmettre à mes jeunes enfants. J’ai également volontairement investi dans un excellent vélo non électrique, ce qui me permet d’utiliser la seule énergie valable, à savoir celle produite par mes muscles. »

Pour conclure, quel serait votre ultime conseil en matière de mode de vie durable ? 

Alexia : « La perfection n’est pas de ce monde mais le moindre petit effort compte. Même si vous n’êtes pas un(e) adepte convaincu(e) du concept “zéro emballage”, nous vous accueillerons toujours à bras ouverts. Chez OHNE, l’extrémisme n’a pas sa place. Nous sommes simplement une bande de joyeux compères qui font ce qu’ils peuvent. »

Kristien : « Et n’achetez plus d’eau en bouteille. C’est pour moi le comble de l’aberration ! »

Êtes-vous ou connaissez-vous un vrai créateur de différence?

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