Créateurs de différence #36 : COSH!

Qu’il ait été confectionné au Bangladesh, au Laos, au Cambodge ou en Belgique, chaque vêtement présent dans votre garde-robe recèle une histoire plus ou moins glamour et plus ou moins durable. Niki de Schryver, la fondatrice de la plateforme COSH!, s’est donné pour mission d’aider les consommateurs friands de mode dans leur recherche de vêtements éthiques et durables. Selon elle, adopter une démarche de shopping responsable est beaucoup plus simple qu’il n’y paraît. Pionnière de la mode équitable, Niki de Schryver est également une créatrice de différence exceptionnelle. 

Décrivez-nous COSH! Comment l’aventure a-t-elle démarré ? 

Niki : « Treize années passées dans le domaine de la mode m’ont appris que, contrairement aux consommateurs, la plupart des marques étaient prêtes à franchir le pas de la « révolution durable ».J’avais le sentiment que, dans leur recherche de marques éthiques et responsables, les gens avaient trop rapidement tendance à baisser les bras. C’est ce qui m’a motivée à les aider. L’idée de COSH! a commencé à germer en 2017, à l’occasion du festival de l’innovation « Hack Belgium ». Lors de cet événement, un millier de participants se sont penchés sur toute une série de problématiques, parmi lesquelles celle de la mode. Honnêtement, les solutions proposées étaient soit impossibles à mettre en œuvre, soit éculées. Personnellement, je souhaitais construire une passerelle entre mode durable et consommateurs et indiquer à ces derniers où trouver des magasins proposant une mode équitable.

Un an après le « hackathon », COSH! est devenu une réalité : conscious shopping made easy. Il s’agit d’une plateforme en ligne qui vous permet de trouver, en quelques clics, une boutique de mode durable près de chez vous ou dans un quartier spécifique. »

COSH

Quelle est la cible de COSH! et comment ça marche ? 

« Notre plateforme s’adresse à tous les amateurs de mode. Tous les jours, nous portons des vêtements qui font partie de notre identité et sont, en quelque sorte, le reflet de notre personnalité. Malheureusement, peu de gens sont réellement conscients de l’impact éthique et environnemental de leurs achats. Qui se soucie de la préservation de la planète, privilégie les options durables et responsables, avec COSH! comme mentor. Grâce à notre plateforme en ligne, le shopping durable n’a jamais été aussi facile. 

Comment ça marche ? C’est très simple. Le Brand Checker vous aide à effectuer une recherche ciblée. Vous êtes un homme ou une femme ? Vous cherchez un jeans ou un manteau ? De préférence à Anvers, Bruxelles, Malines ou Bruges ? Aucun problème ! Après avoir défini vos préférences, il suffit de quelques clics pour obtenir votre itinéraire de shopping. Vous disposez même de filtres correspondant à vos choix (économie circulaire, véganisme, écologie, etc.). Le client est roi ! Il s’agit forcément d’un choix responsable, l’histoire du développement durable étant jalonnée d’un nombre infini de possibilités qui peuvent mener à des discussions interminables. Tel n’est pas le but. Un pour cent à peine de tous les vêtements est durable, trop peu donc pour différencier davantage. » 

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Vous avez une bonne raison d’encourager le « conscious shopping ». L’industrie de la mode est-elle à ce point polluante ?

« L’industrie textile est l’un des secteurs les plus polluants de la planète. On fabrique chaque année quelque 150 milliards de vêtements qui ne trouvent pas tous preneurs. Seul un pour cent de cette production est fabriqué de manière durable et équitable. Sans compter que l’industrie textile repose pour une bonne part sur des pratiques proches de l’esclavage. Saviez-vous en outre qu’en Extrême-Orient, deux usines sont chaque jour détruites par un incendie ? Et que 1,4 million d’accidents ont lieu dans les usines chaque année ? »

À partir de quand une marque de vêtements est-elle durable ? 

« Rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Et la mode durable n’échappe pas à la règle. Nos équipes contrôlent les marques sur base de sept grands thèmes : l’aspect éthique (les conditions de travail), l’aspect écologique (les matériaux et leur impact environnemental), l’économie circulaire, les circuits d’approvisionnement courts, le bien-être animal, la « slow fashion » et la transparence. Très peu de marques sont fabriquées de manière équitable et acheminées dans des moyens de transport non polluants. Très peu sont en outre à la fois circulaires, organiques, locales, naturelles, artisanales, sans produits chimiques ni déchets. Faut-il rechercher la perfection à tout prix ? Absolument pas ! Un pull en coton bio fabriqué en Extrême-Orient dans des conditions humainement acceptables est de loin préférable à un article produit par des esclaves. Pour un consommateur, il n’est pas forcément évident de savoir si un vêtement répond ou pas à des critères de durabilité. C’est précisément pour cette raison que COSH! peut parfaitement faire office de guide. » 

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Un vêtement durable est forcément plus cher. Vrai ou faux ? 

« Certes, vous ne trouverez pas facilement un T-shirt durable à cinq euros. Je ne pense cependant pas que le prix soit un élément déterminant. Il s’agit davantage d’un changement de mentalité et de comportement. La « fast fashion » consiste à acheter une nouvelle pièce toutes les deux à trois semaines afin d’être dans le vent, et de la ranger au fond d’un placard dès qu’elle n’est plus à la mode. La « fair fashion », c’est acheter des vêtements qui conviennent à votre style et que vous pourrez porter trois ou cinq ans, voire davantage. Non seulement parce qu’ils collent parfaitement avec votre personnalité, mais également parce qu’ils sont d’une qualité irréprochable. Porter un vêtement plus longtemps vous permet de limiter les dégâts les plus importants. » 

Vous encouragez non seulement les gens à consommer de manière durable et responsable, mais également à faire leurs achats dans des magasins physiques. Pourquoi ce dernier point est-il tellement important ? 

« Acheter local vous permet non seulement de réduire votre propre empreinte écologique, mais également celle des marques et des vêtements. Pas besoin de centaines de véhicules de livraison qui font quotidiennement des allers-retours pour livrer des milliers de colis. Sans parler de la problématique des retours de marchandises. Les vêtements renvoyés atterrissent souvent dans une décharge parce qu’ils sont sales, ont été portés ou sont devenus invendables. Un gaspillage de grande ampleur ! D’autre part, c’est également important pour notre bien-être et notre prospérité. De nombreuses rues commerçantes regorgent déjà de locaux vides, ce qui nuit à l’attractivité des villes et réduit l’afflux de touristes. Nous oublions parfois que l’argent que nous dépensons localement demeure dans le pays. Cet argent est indispensable pour faire tourner l’économie et prendre à bras le corps la situation dramatique des pays pauvres et le système esclavagiste en vigueur en Extrême-Orient. » 

Où vous situez-vous d’ici cinq ans ?

« Sachez que, depuis février 2021, nous mettons les marques durables à l’honneur aux Pays-Bas et à New York. Viendront ensuite, si tout se passe comme prévu, Berlin, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni. Autre bonne nouvelle : d’ici quelque temps, nous miserons également sur le marché de l’occasion. Pour en savoir plus, inscrivez-vous à notre newsletter (rires). »

Votre démarche responsable s’applique-t-elle à d’autres domaines ? Par exemple à votre consommation d’énergie domestique ? 

« Cela va sans dire. Mon toit est équipé de panneaux solaires et, en compagnie de ma fille, je découvre pas à pas la cuisine végane au quotidien. Il s’agit cependant d’un processus à long terme. Il est pratiquement impossible d’appliquer d’emblée la durabilité à tous les paramètres de la vie. C’est ce que l’on constate dans toutes les familles. De nombreuses personnes souhaitent adopter un mode de vie durable mais, en pratique, ce n’est pas toujours évident. C’est en tout cas ce qui ressort de l’étude de marché que nous avons réalisée. Telle personne achète tout d’occasion mais prend tous les mois l’avion. Telle autre opte pour l’électricité verte mais mange tous les jours de la viande. D’ailleurs, je ne faisais pas exception à la règle. Nous avons tour à tour modifié notre comportement vestimentaire, diminué nos déchets plastiques et réduit notre consommation de viande. Et nous prenons beaucoup moins l’avion. Ce n’est pas négligeable. Chaque pas, aussi petit soit-il, va dans la bonne direction. Aussi longtemps que nous continuerons à promouvoir ensemble un mode de vie plus durable, nous serons sur la bonne voie. » 

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Pour conclure : quel est votre conseil ultime en matière de durabilité ou d’économie d’énergie ?

« Ne pensez pas qu’épargner signifie automatiquement ne plus rien dépenser. Envisagez l’argent comme une énergie : si vous le dépensez à bon escient, il vous reviendra sous l’une ou l’autre forme. Privilégiez l’achat d’une robe de qualité que vous porterez pendant cinq ans, plutôt que dix pièces qui, après avoir été portées trois fois, sont bonnes à jeter à la poubelle. En mode, comme en amour et en amitié, l’investissement est toujours récompensé … »  

Êtes-vous ou connaissez-vous un vrai créateur de différence?

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