Créateurs de différence #56 : Sofar

La créatrice d’intérieurs Nele Vlaeminck a hérité de la passion des sofas de son père et de son grand-père. Selon elle, les canapés traditionnels ne sont plus adaptés à notre époque. Elle a donc créé avec Esther – designeuse de produits – un concept novateur : le canapé circulaire. En quoi leur canapé peut-il être créateur de différence ? Découvrez-le ici !

Racontez-nous : qui sont Nele et Esther ?

Nele: « Après quinze années dans les médias, je me sentais prête à vivre ma véritable passion : la création d’intérieurs. Je travaille déjà en tant que styliste sous le nom de Nele Vlaeminck Interior Design. J’aide les clients à aménager leur maison ou leurs bureaux. J’ai pu réaliser des projets très intéressants comme ‘Het Huis’ (une émission diffusée sur la chaîne flamande Één) et les bureaux de Tomorrowland. Petit ou grand, chacun de ces projets me donne de l’énergie. Je recherche les matériaux les plus adaptés, j’analyse la couleur des murs, j’étudie si la présence de tapis serait judicieuse, etc. Je ne décide bien entendu pas seule, car il me semble important de le faire avec le client. Mon objectif consiste à rendre leur maison chaleureuse en les préservant du stress lié au fait de redécorer. »

Esther : « Je suis une designeuse de produits fraîchement diplômée. Au cours de ma dernière année de baccalauréat, je me suis beaucoup intéressée à l’économie circulaire. Lorsque j’ai terminé mes études en 2020, j’ai reçu l’opportunité de faire un doctorat dédié à la transition des entreprises de travail adapté vers l’économie circulaire. Je n’ai bien entendu pas hésité très longtemps (rires). Mais je voulais garder le contact avec la réalité du terrain. J’ai donc décidé de réaliser ce doctorat en cinq ans plutôt qu’en quatre. Je dispose ainsi de suffisamment de temps pour débuter mon projet en tant que designeuse de projets indépendante. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré Nele. J’ai participé à quelques belles missions à ses côtés et une certaine complicité s’est installée. Les choses se sont ensuite mises en place petit à petit. »

Ces « choses », c’est Sofar. Expliquez-nous de quoi il s’agit et comment cette idée est née.

Esther : « Sofar n’est pas un ‘fauteuil jetable’ classique, mais un modèle circulaire. Cela signifie que les matériaux utilisés pour sa fabrication peuvent ensuite être réutilisés. Lorsque votre Sofar sera usé, nous ne voulons pas qu’il finisse à la décharge. L’objectif, c’est qu’il revienne chez nous pour que nous lui trouvions une deuxième, une troisième, une quatrième maison. »

Nele : « En tant que styliste d’intérieur, j’ai souvent constaté que lorsque les gens décident de redécorer leur maison, cela passe généralement par l’achat d’un nouveau canapé. Cela semble d’ailleurs logique, puisque les canapés s’usent. C’est un meuble sur lequel les gens vivent, mangent et dorment même parfois. Il est possible de faire changer l’habillage d’un fauteuil, mais c’est assez cher. Beaucoup préfèrent donc consacrer cet argent à l’achat d’un nouveau canapé. C’est au niveau de cette culture du jetable que Sofar intervient. Vous pouvez facilement changer le style de votre fauteuil avec de nouvelles housses. Par ailleurs, un canapé traditionnel ne s’adapte pas aux besoins évolutifs de la famille. En fonction de la composition du ménage, vous avez besoin d’un fauteuil plus grand ou plus petit. Sofar est par exemple conçu pour transformer facilement un modèle trois places en un modèle plus grand et vice versa. »

Cette fascination pour les canapés ne vient pas de nulle part, Nele ?

Nele : « C’est vrai. J’ai hérité de l’amour des canapés de mon papa et de mon grand-père dès ma plus tendre enfance. J’ai grandi dans leur atelier de Courtrai, entre les rouleaux de tissu, le cuir et le lin typique de la Flandre occidentale (rires). Ils étaient réputés pour leur talent de décorateurs, mais plus encore pour le rembourrage de fauteuils. Cette passion familiale et l’amour du travail artisanal m’ont toujours
accompagnée. »

L’industrie du meuble est-elle à ce point polluante ? Un canapé de qualité dure tout de même plusieurs années, non ?

Nele : « Selon les statistiques publiées par la European Furniture Industries Confederation (Confédération européenne des industries du meuble, NDT), l’industrie du meuble est la deuxième plus polluante. Chaque année, ce sont pas moins de 10,78 millions de tonnes de meubles qui finissent à la déchetterie. »

Comment se distingue concrètement un canapé circulaire de Sofar ?

Esther : « Avec Sofar, nous voulons démontrer qu’un produit durable n’est pas forcément sans relief ou laid et que le concept va plus loin que l’idée des chaussettes en peau de mouton retournée à laquelle il est parfois réduit. Qu’est-ce qui différencie les canapés Sofar des canapés classiques ? C’est simple : ils sont développés en suivant les principes de l’écodesign. Ils ne sont ni collés ni agrafés et peuvent dès lors se démonter très facilement. Par ailleurs, nous utilisons aussi peu de mousse PU que possible – qui n’est ni saine ni durable – pour privilégier les ressorts ensachés. Le résultat est dès lors aussi durable que confortable. En outre, les tissus se limitent à un seul matériau afin de pouvoir être réutilisés ou recyclés par la suite. Nous jouons donc au maximum la carte écologique et durable, même s’il n’est pas possible d’atteindre la perfection dans ce domaine. Mais nous ne proposons par exemple pas de cuir dans notre collection. Ce produit peut pourtant s’avérer durable, mais en utilisant du cuir, vous favorisez indirectement l’industrie de la viande. Il existe des alternatives comme le cuir de mycélium (fabriqué à partir de champignons), mais cela demeure encore trop expérimental. »

Nele : « La question de l’énergie reste également ouverte. La fabrication d’un canapé Sofar est moins énergivore que celle d’un modèle classique, d’autant qu’il est produit en Belgique et que l’énergie nécessaire au transport est aussi réduite. Néanmoins, il est toujours possible de faire mieux. »

Vous délivrez à chaque canapé un passeport numérique. En quoi cela consiste-t-il précisément ?

Esther : « Sur chaque Sofar, vous trouvez un code QR qui mène au passeport numérique de votre canapé. En scannant simplement ce code QR, vous entrez directement en contact avec nous. Imaginons que vous souhaitiez agrandir votre fauteuil trois places ou que vous désiriez des housses d’une autre couleur : vous introduisez votre demande via le code QR. Il donne aussi accès à un guide sur la gestion des taches, par exemple si vous avez renversé du vin rouge ou du cirage sur votre canapé. Ce passeport numérique garantit une relation personnalisée avec nos clients. »

Vous avez aussi mis en place un service de « reprise ». Un avantage pour l’acheteur et pour vous ?

Nele :  « Absolument ! Nous reprenons les anciennes housses pour les nettoyer et les reproposer à la vente. Idem pour la base d’un canapé trois places devenu trop petit pour répondre aux besoins d’une famille. De cette manière, nous ne devons pas constamment utiliser de nouvelles matières premières. Nous étudions actuellement la possibilité de mettre en place un système de caution. Vous en avez assez de votre ancien canapé Sofar ? Eh bien, vous récupérez une partie du montant payé lorsque nous venons le rechercher. »

Quand sera-t-il possible d’acheter un canapé Sofar ?

Nele : « Les préventes débuteront en mars, donc surveillez de près notre site Internet ! »

Le lancement du premier Sofar est probablement l’étape la plus importante à ce jour. Que vous réserve l’avenir ?

Nele : « Esther et moi nous fixons une mission : démontrer avec Sofar que produire et acheter des canapés autrement, c’est possible. Et si nous pouvons le faire, tout le monde le peut. L’idéal serait bien sûr d’inspirer d’autres fabricants et d’autres familles en Belgique, mais aussi plus largement en Europe. »

Jouez-vous la carte durable à la maison également ?

Nele : « Il faut montrer l’exemple ! J’aurai bientôt un canapé Sofar chez moi. J’aime aussi les meubles vintage et chiner des objets de seconde main pour décorer mon intérieur. »

Esther : « J’y vais étape par étape. Je vis par exemple avec deux colocataires dans un petit appartement en ville. Je n’achète jamais rien de neuf, je regarde d’abord dans les enseignes de seconde main ou je demande à des amis ou à la famille. Mon credo : moins il y a de choses, mieux c’est. Mais je dois avouer que je suis accro aux livres, ce qui peut parfois poser des problèmes (rires). Bien que je privilégie également toujours l’achat d’un bouquin d’occasion. Et j’achète uniquement des livres que je relirai plus tard. »

Et en matière d’énergie ? 

Esther : « À ce niveau-là, oui. Je n’ai pas de voiture et je me déplace uniquement en train et à vélo. C’est d’ailleurs très agréable. »

Nele : « Nous avons installé des panneaux photovoltaïques sur notre toit et nous veillons à ne pas utiliser tous nos appareils en même temps. À la maison, nous insistons également pour qu’aucune lampe ne reste allumée inutilement. Nous envisageons par ailleurs de ne plus utiliser qu’une seule voiture, de préférence électrique. »

Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs pour vivre de façon plus durable ?

Esther : « Réfléchissez bien avant d’acheter ! C’est tellement ancré en nous de remplacer un objet usé par un nouveau. Le réfrigérateur peut peut-être encore être réparé. Le vieux grille-pain ne peut-il vraiment plus fonctionner ? Si c’est le cas, contactez d’abord la ressourcerie. Nous sommes déjà conquises par ce concept ! »