Comment nourrir 10 milliards de personnes d’ici 2050 sans exploiter plus de terres et augmenter nos émissions ? La réponse parfaite n’existe pas, mais la créatrice de différence Judith Ketelslegers à la tête de la start-up belge Foresightee réfléchit à la question chaque jour. Grâce à de nouvelles technologies telles que les prévisions de ventes, qui utilisent des données pour prévoir les bonnes quantités et ventes de produits, elle tente de faire la différence dans le monde des aliments frais. Et nous pouvons aussi apporter notre pierre à l’édifice. Il était grand temps de rencontrer la fondatrice de cette entreprise durable !
Parlez-nous un peu de vous et de la façon dont Foresightee a vu le jour.
Judith : « Depuis trois ans, je peux me targuer d’être une entrepreneuse. C’est drôle parce que je n’aurais jamais cru dire ça un jour. Il se trouve que j’appelle de Genève, l’endroit où Foresightee a vu le jour en 2019. Lorsque j’ai développé de manière inattendue une intolérance au lactose et au gluten il y a quelques années, deux options s’offraient à moi : me résigner ou chercher les bonnes informations. Dans cette quête, je suis tombée par hasard sur un hackathon* sur le gaspillage alimentaire à l’Impact Hub de Genève et j’y ai participé en tant que bénévole. Tout à coup, j’avais tellement appris sur la nourriture et le gaspillage alimentaire que j’ai senti que je devais en faire quelque chose. »
*Un hackathon est un événement au cours duquel plusieurs équipes tentent de résoudre un problème ou de se plonger dans un sujet particulier en un court laps de temps.

Sous la forme de votre start-up Foresightee donc.
Judith : « C’est ça. J’étais habitée par une véritable passion pour partager ces connaissances avec la planète entière. Lorsque vous découvrez soudain que nous jetons tous 1,3 milliard de tonnes de nourriture chaque année, vous ne pouvez pas ignorer le problème. Nous seulement nous devons boucler la boucle de l’économie circulaire, mais cette boucle doit aussi raccourcir en ce qui concerne la nourriture. C’est notre objectif avec Foresightee : éviter les déchets. Au travers de notre entreprise, nous aidons les fournisseurs de produits frais à prévoir leurs ventes afin qu’ils puissent livrer les bonnes quantités à leurs détaillants. Pour ce faire, nous proposons un modèle SaaS (Software as a Service), moyennant des frais de licence. »
C’est notre objectif avec Foresightee : éviter les déchets. Nous aidons les fournisseurs de produits frais à prévoir leurs ventes afin qu’ils puissent livrer les bonnes quantités à leurs détaillants.
Pourquoi cette technologie est-elle nécessaire ?
Judith : « Le secteur alimentaire est un marché très dynamique où les ventes de produits frais tels que les fruits et légumes sont rythmées par la météo et les saisons. De nombreuses entreprises travaillent encore avec de simples moyennes pour déterminer la prévision des ventes dans les magasins. En appliquant l’apprentissage automatique, une technologie d’intelligence artificielle, à nos prévisions de ventes, le système se nourrit d’au moins trois années de données sur les ventes pour formuler de meilleures prévisions sur une période de 14 jours. Dans ce cas précis, la technologie est l’outil idéal pour s’attaquer à ce problème. »
Vous essayez donc de prévenir le gaspillage alimentaire à la source plutôt que de résoudre le gaspillage post-consommation ?
Judith : « En effet. Il est nécessaire de s’attaquer à ces deux problèmes, mais on est encore loin d’avoir résolu le premier, alors que les développements en matière de recyclage des déchets sont beaucoup plus rapides en raison des connaissances et des investissements déjà réalisés dans ce domaine. La prévention est évidemment préférable, mais elle est aussi beaucoup plus difficile à mettre en place. Mais ça ne nous arrête pas ! Notre système n’est pas parfait, mais il limite considérablement le gaspillage alimentaire. C’est comme ça que nous faisons notre part. »

Les fournisseurs ou détaillants sont-ils nombreux à se montrer ouverts à votre technologie ?
Judith : « Il y a une prise de conscience croissante tout au long de la chaîne. Du consommateur au producteur. Nous sommes actuellement en pourparlers avec plusieurs fournisseurs et les premiers projets pilotes se déroulent bien. Grâce au projet « Horizon 2020 » LOWINFOOD, nous avons également une expérience européenne dans ce secteur. On sent bien que la durabilité n’est pas la priorité de tous les acteurs, mais la prise de conscience grandit chaque jour. Nous avons également un double argument commercial qui joue en notre faveur : la prévention du gaspillage ET des ruptures de stock. C’est ça qui fait tout l’intérêt des discussions avec les fournisseurs. »
Quel rôle l’intelligence artificielle, telle qu’elle est utilisée chez Foresightee, peut-elle jouer dans l’industrie alimentaire ?
Judith : « Le plus difficile avec les produits frais, c’est d’assurer leur traçabilité. Impossible d’imprimer un code-barres sur un morceau de fruit provenant d’Amérique du Sud. Pourtant, seule l’utilisation de données permet de poser des choix alimentaires durables et transparents. À cet égard, la technologie est l’outil idéal pour atteindre cet objectif. Les innovations technologiques telles que la prévision des ventes, l’agriculture de précision et la robotique contribuent à rendre notre alimentation plus intelligente. »
Des innovations technologiques telles que la prévision des ventes sont désespérément nécessaires pour gérer notre alimentation de manière plus intelligente et poser des choix durables et transparents.
Où vous voyez-vous dans 10 ans avec Foresightee ?
Judith : « Début avril, j’ai participé au salon Fruit Logistica à Berlin. J’ai eu une conversation très intéressante dont la conclusion était que nous avons besoin d’une coopération accrue. Dans mes rêves les plus fous, mon objectif ultime est un écosystème au sein duquel toutes les solutions au problème du gaspillage alimentaire sont connectées les unes aux autres, afin qu’elles puissent se renforcer mutuellement. »
Vous adoptez aussi un style de vie durable ?
Judith : « Je crois au principe des petites habitudes. Instaurez une journée végétarienne pendant la semaine. Préférez le train à l’avion. Ces petits gestes délibérés, sans être trop radicaux, sont la meilleure façon de procéder à long terme. On ne demande à personne d’adopter un style de vie durable irréprochable. Nous devons tous faire de notre mieux pour pouvoir maintenir nos efforts sur la durée. »

Chez Luminus, nous sommes évidemment curieux de savoir si vous faites attention à votre consommation d’énergie.
Judith : « Bien sûr ! Pour limiter au maximum les coûts et tout investir dans Foresightee, je vis actuellement chez mes parents. Je partage donc ma consommation d’énergie avec plusieurs personnes. (Rires) Ça me permet de mener une vie très économe. Je vais bientôt emménager dans un appartement dans lequel le choix de l’énergie verte était une évidence. »
Vous avez un dernier conseil de durabilité à partager avec nos lecteurs ?
Judith : « Il ne manque pas de petits gestes qui font la différence. Composer un menu pour la semaine, par exemple, permet de limiter considérablement le gaspillage. Le dimanche, faites le tour de vos placards et préparez un planning pour la semaine à venir. De cette façon, vous passerez moins de temps dans le magasin et éviterez d’acheter des produits inutiles qui finiront à la poubelle. C’est aussi simple que ça. L’essayer, c’est l’adopter ! »
Vous voulez découvrir un autre créateur de différence dans la lutte contre le gaspillage alimentaire ? Lisez l’interview de Jonas de l’application Too Good To Go !