Avez-vous déjà entendu parler du plogging ? Les lecteurs attentifs verront sans doute une ressemblance avec le mot « jogging ». Remplacez le « j » par « plo », en référence à plocka, qui signifie « collecter » en suédois, et vous connaîtrez le sens du plogging : ramasser des déchets en marchant ou en faisant du jogging. Pour faciliter la vie des « ploggers », Bernard et Alex ont imaginé l’application WePlog. Vous découvrirez en quoi ils sont de véritables créateurs de différence dans cet entretien inspirant !
Qu’est-ce que WePlog et comment est né votre projet ?
Bernard : « Dans beaucoup de villages et de villes, la gestion des déchets est une priorité. C’est aussi le cas dans mon village natal, Sint-Martens-Latem, où j’ai été membre du service environnement pendant douze ans. Et, je dois l’admettre, nous-mêmes ne savions pas comment nous attaquer au problème. Des bénévoles sont descendus dans la rue sans savoir qui allait nettoyer et par où commencer. Franchement ? Ils allaient dans tous les sens sans savoir où donner de la tête ! (rires). Leurs intentions étaient bonnes, bien sûr. Mais cette façon de faire n’était tout simplement pas efficace. L’agent communal responsable de l’environnement surveillait tout de près : le nettoyage des rues, la quantité de déchets qui s’y trouvaient… Mais c’était tout. Il fallait faire mieux, me suis-je dit. Avec Alex, que je connais de l’asbl Bosbehoud, nous avons créé une application qui ressemble à Waze. L’application ne vous propose pas d’itinéraire, mais elle vous indique quelles rues ont été nettoyées récemment et où des déchets se trouvent encore. »

Comment fonctionne l’application précisément et est-ce que tout le monde peut l’utiliser ?
Bernard : « Une fois que vous avez installé l’application WePlog sur votre smartphone et que vous avez créé un compte, vous pouvez commencer à « plogger ». Le principe est simple : la carte vous indique votre localisation. Si une rue est verte, cela signifie qu’un WePlogger est déjà passé. Si une rue est rouge, il est fort probable que vous y trouviez des déchets. Au passage, notre application ne s’adresse pas seulement à des bénévoles. Depuis son lancement, de nombreuses villes et communes du pays utilisent WePlog pour lutter contre les dépôts clandestins. L’application permet également de créer des groupes pour « plogger » avec un groupe d’amis, des proches ou des collègues enthousiastes. Les écoles et les entreprises peuvent aussi mettre en place une campagne de plogging. »
Combien de « WePloggers » sont déjà inscrits ?
Alex : « Nous avons lancé WePlog en décembre 2019 et, depuis lors, l’application a été téléchargée près de 10 000 fois. En ce qui concerne les ploggers actifs, nous comptons actuellement environ 5 000 membres. »
Vous voulez sensibiliser les gens, les inciter à passer à l’action. Y a-t-il autant de déchets dans nos rues ?
Alex : « Quand même. En 2017, rien qu’en Flandre, les services de la ville ont ramassé 18 000 tonnes de déchets. Ça correspond à cinq (!) camions par jour, chaque jour de l’année. Et puis, il ne s’agit que des déchets qui ont été ramassés : il en reste encore beaucoup dans les rues. Cela dit, ce n’est pas un problème que l’on rencontre uniquement en Belgique, même si certains pays font mieux. En Suisse, par exemple, les citoyens font « l’effort » d’aller jeter une allumette dans une poubelle qui se trouve à dix mètres d’où ils se trouvent, alors que chez nous, on jette par terre des canettes et des mégots de cigarettes sans culpabiliser. »

Retrouve-t-on principalement des déchets dans les grandes villes ou les zones agricoles sont-elles aussi concernées ?
Bernard : « On en retrouve partout, malheureusement, même si on voit plus de déchets le long des pistes cyclables et des axes de circulation très fréquentés. Saviez-vous que les déchets attiraient encore plus de déchets ? Et la présence de déchets attire aussi plus de formes de criminalité. Alors, il est grand temps de s’en débarrasser. Même si, bien sûr, il vaut mieux prévenir que guérir. »
Avez-vous une idée de l’impact de vos actions de plogging ?
Alex : « Nous savons que les emballages de plats à emporter et les mégots de cigarettes sont les déchets les plus présents le long des routes. Mais honnêtement, WePlog ne se concentre pas sur ce type de déchets. Il existe déjà des centaines d’applications pour ça, comme Litterati et Plastic Avengers. WePlog enregistre le nombre de kilomètres parcourus et la quantité de déchets collectés. Actuellement, environ 5 000 kilomètres de routes sont nettoyés chaque mois via WePlog. »
De quoi a-t-on besoin pour « plogger » ?
Bernard : « L’essentiel est une ouverture d’esprit. Si vous allez « plogger », vous êtes sous le feu des projecteurs, pour ainsi dire. Les gens qui vous voient occupés se demandent pourquoi diable quelqu’un ramasserait les déchets de quelqu’un d’autre pendant son temps libre ? Mais c’est exactement ce qui incite les gens à réfléchir à deux fois avant de jeter quelque chose par terre. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que vous ne ramassez pas les déchets de quelqu’un d’autre : vous nettoyez les rues de votre quartier pour qu’il soit propre. Vu comme ça, on nettoie pour les autres. »
Alex : « Tout ce qu’il faut, c’est une pince, une paire de gants et un sac-poubelle. »

Quels sont vos projets d’avenir avec WePlog ?
Bernard : « Le principal, c’est celui de faire en sorte que les mentalités évoluent avec WePlog. Bien sûr, cela prendra des années. Alex et moi sommes convaincus que c’est possible. Pensez à la conduite en état d’ébriété ou au tabagisme dans les restaurants… C’était tout à fait normal auparavant, mais maintenant, les gens ont changé d’attitude par rapport à ces deux problèmes. »
Alex : « Bien sûr, nous espérons que WePlog sera non seulement utilisé en Belgique, mais aussi au-delà de ses frontières. Actuellement, nous sommes actifs dans le Benelux, au Danemark, en Estonie, en Allemagne, et même en Inde centrale ! »
L’écologie est-elle une priorité dans votre quotidien, chez vous également ?
Alex : « Bien sûr, mais Bernard et moi ne sommes que des êtres humains, alors, parfois, on ne sait pas par où commencer. En tout cas, on essaie d’éviter au maximum les emballages inutiles, on trie nos déchets, on éteint les lumières le plus souvent possible et on mange moins de viande. J’ai aussi fait installer des panneaux solaires sur mon toit et nous sommes tous deux favorables à l’énergie verte. »
Pour conclure, quel serait le conseil en or que vous donneriez à nos lecteurs pour réduire leur impact environnemental ?
Bernard : « Celui de jeter ses déchets à la poubelle ! Et de remettre en question ses habitudes. C’est le début du changement. Avec WePlog, nous ne voulons faire culpabiliser personne. Nous voulons aider les gens à apporter leur pierre à l’édifice. Vous aimez marcher ? Dorénavant, emportez un gant et un sac avec vous. Et la reconnaissance des passants, vous l’obtiendrez gratuitement et sans gros effort ! »
